Hommes du 21e siècle
Qu’est-ce qu’un artiste conceptuel ? Un artiste qui imagine des concepts et les exécute. Un peu comme un créatif publicitaire mais avec apparemment plus de liberté. Hans Eijkelboom est donc un artiste conceptuel. Dans le passé, il s’est fait connaître par des idées aussi farfelues et drôles que celle de sonner l’après-midi chez des particuliers et de profiter de l’absence du mari pour se mettre en scène en photo avec sa femme et ses enfants, recréant ainsi une famille fictive et pourtant troublante de réalisme.
A côté de ces questionnements sur l’identité, il a aussi eu l’idée pendant plus de vingt ans de prendre en photo des inconnus. Mais pas n’importe comment. Avec une forme de rituel, il choisissait dans la ville où il venait d’arriver un endroit très animé où les gens passent par milliers (généralement à proximité de centres commerciaux). Il s’y postait entre 30 minutes et 3 heures et observait la foule à la recherche d’un trait, d’un dénominateur commun. Souvent, c’était un vêtement mais il pouvait aussi s’agir d’un comportement ou d’une attitude. Il prenait alors des photos sans regarder dans le viseur, son appareil autour du cou étant relié à un déclencheur caché dans sa poche. De retour au studio, il rassemblait les photos d’un même thème sur une planche.
Il a ainsi réuni 6000 photographies sur plus de 500 planches d’images qui donnent une vision unique et saisissante des looks et attitudes dans le monde entre la fin du XXe siècle et le début du suivant. Mais attention, il ne s’agit pas d’un travail sur la mode. Certes, il est amusant de suivre l’air du temps (Eijkelboom a voyagé à Paris, Barcelone, Rotterdam, Berlin, Cologne, Arles, Liverpool, Bruxelles, Kassel, Stockholm, Luxembourg, Moscou, Londres, Shanghai, Tokyo, Bombay, Mexico, Nairobi, Sao Paulo, Marrakech et Le Caire) et d’essayer de deviner à quelle époque telle planche a été prise mais l’essentiel n’est pas là. Car, dans ce travail, la question de l’identité, de la construction de la personne à travers son apparence est aussi présent. On s’aperçoit alors qu’au-delà des points communs (des hommes qui portent tous des sacoches en bandoulière ou qui se déplacent torse nu en rollers, des femmes toutes habillées avec un T-shirt rose), ces personnes sont très différentes les unes des autres. Cela demande un peu d’effort et de curiosité de la part du lecteur car il faut prendre le temps de plonger dans ces images, de chercher les différences. On en vient alors à se demander ce que vivent ces gens, où ils vont, ce qu’ils pensent. Et on est pris de vertige devant autant de singularités. En ce sens, le travail de Hans Eijkelboom est une véritable œuvre d’art. Conceptuelle.
« Hommes du vingt-et-unième siècle » de Hans Eijkelboom est publié chez Phaidon